2007 :
Production : Evens Foundation et hôpital Paul Guiraud
texte : Sophocle
traduction : par Marc Lebiez
durée : 86 minutes
Travailler cette tragédie avec des détenus dont certains sont parricides, d’autres pédophiles, et qui tous ont été confrontés à des histoires familiales tragiques, n’est pas anodin. Le texte prend dans leurs voix un poids, une vérité qu’ils nous transmettent. Sous cet angle, ce travail n’est donc pas uniquement une action envers une population en détresse, mais un don que ces hommes nous font.
L’ U.P.H. est une antenne de l’hôpital psychiatrique Paul Guiraud (Villejuif -94-) à l’intérieur de la prison de Fresnes. Elle accueille des détenus en état dépressif profond ou bien ceux dont la détention a révélé une maladie mentale. Elle assure également un suivi thérapeutique à des détenus condamnés pour crimes sexuels et qui ont demandé un soutien psychiatrique. Le bâtiment fut jusqu’en 1981 le quartier des condamnés à mort.
Cette pièce est une enquête où l’enquêteur comprend progressivement qu’il est le coupable. Mais ce jeu de massacre de soi fait étrangement place à une reconstruction intérieure. Œdipe est le prince de Corinthe. Au cours d’un festin un convive le traite de bâtard. Bouleversé, il part voir l’oracle. Celui-ci lui prédit qu’il tuera son père et épousera sa mère. Épouvanté, il fuit Corinthe. En route, un homme le provoque, ils se battent et Œdipe le tue. Plus tard, il arrive aux portes de Thèbes où sévit le sphinx. Le peuple propose à Œdipe de les délivrer de ce monstre en échange de quoi il épouserait la reine et deviendrait seigneur de la ville. Œdipe vainc le sphinx, devient seigneur de Thèbes et épouse la reine. La tragédie débute quelques années plus tard. Thèbes subit un nouveau fléau; la peste. Le peuple vient demander à Œdipe de les sauver une nouvelle fois. Les Oracles disent que l’origine du mal est le meurtre impuni de l’ancien roi de Thèbes, tué sur la route. Œdipe lance l’enquête. Progressivement, il comprend qu’il est lui-même le meurtrier et que cet homme était son vrai père. Donc son épouse, veuve de l’ancien roi, est sa mère. La prophétie s’accomplit à la lettre. Jocaste se tue et Oedipe se crève les yeux avant de prendre l’exil.
Le temps de l’élaboration à l’U.P.H :
Nous organisons de nombreux ateliers : décors, costumes, masques, répétitions théâtrales, maquettes, marionnettes, chant... Le texte est retraduit pour l’occasion par un philosophe helleniste, qui suit de près les étapes du travail et répond à toutes les questions propres à l’histoire des dramaturgies d’Œdipe ainsi qu’aux interprétations possibles de certains passages et termes.
Le temps du montage :
La pièce est enregistrée lors de séances de lectures. C’est cette “voix off” qui soutient le travail de l’image, traitée comme un collage, passant des séances jouées aux séances de répétitions, des vues des lieux réels (cellules, couloirs, cour...) aux maquettes, des personnages réels à leurs doubles miniaturisés sous forme de poupées. L’idée est de créer des passages multiples entre le texte de Sophocle et la réalité des détenus. Changements d’échelles et changements de situations se déjouent des limites infinies de ces lieux.